jeudi 16 mars 2017
L'étonnante seconde vie des jeeps de l'armée US
Correspondance, Chloé Rémond
Bruyants, exubérants et polluants : les jeepneys, ces taxis collectifs à l’allure kitsch et flamboyante, restent le mode de transport préféré des Philippins. À la fois pratiques et très bon marché, ils assurent à eux seuls la moitié des transports de passagers à Manille, la capitale. Une suprématie qui risque d’être entamée par un plan de régulation annoncé par le gouvernement.
« Ils n’existent nulle part ailleurs, seulement ici aux Philippines ! », s’enorgueillit Mario, un sourire jusqu’aux oreilles, au volant de son jeepney qui assure la liaison entre les quartiers de Baclaran et l’immense marché de Divisoria, à l’ouest de Manille, la capitale des Philippines. « On est fiers de nos jeepneys, c’est un des emblèmes de notre culture », poursuit-il, alors qu’il tente de se ranger sur le bas-côté, après qu’un passager a réclamé un arrêt.
Symbole d’assimilation culturelle, les jeepneys sont le produit de la récupération des Jeep américaines abandonnées par les troupes du général MacArthur, quand les Philippines deviennent indépendantes en 1946, après avoir subi pendant des siècles les occupations successives des Espagnols, des Américains et des Japonais. « On leur a apporté notre touche personnelle, la touche philippine », explique Mario.
Un chauffeur ne gagne qu’entre 7 et 9 € pour 8 à 12 heures de travail mais investir dans l’apparence de son véhicule c’est la garantie d’attirer les clients. (Photo : Chloé Rémond)
Icônes catholiques, guirlande électrique
Customisés selon les goûts et la personnalité du chauffeur, les jeepneys sont personnifiés au point d’être baptisés et d’afficher leur prénom en grand au-dessus du pare-brise. « Plus c’est coloré, plus c’est décoré et plus cela attire les passagers », commente Roselyne, une infirmière qui rentre du travail en jeepney tous les soirs.
Icônes catholiques, guirlande électrique et parfois même sono intégrée, c’est à celui qui rivalisera le plus d’imagination pour faire de son véhicule le plus attrayant de la route. L’archipel compte au total 240 159 de ces jeepneys au look folklorique, qui feraient vivre plus d’un million de Philippins.
À 15 centimes le trajet et des arrêts à la demande, les « jeepneys » restent très populaires dans l’archipel. (Photo : Chloé Rémond)
Mais si ce mode de transport est le plus populaire, il est aussi souvent vilipendé pour sa conduite anarchique. Au mépris de la bienséance et des règles du code de la route, les chauffeurs de jeepneys tentent bien souvent de s’imposer coûte que coûte dans les affres d’une circulation chaotique, l’une des plus embouteillées au monde. Autre motif de disgrâce : les traînées de fumée noire qui s’échappent de leurs pots d’échappement. Afin d’assainir l’air de la ville et de régulariser la profession, le gouvernement a annoncé un plan de modernisation du secteur.
Bientôt des jeepneys électriques ?
Ce plan prévoit notamment d’imposer le remplacement de tous les véhicules de 15 ans et plus par des jeepneys électriques et les propriétaires devront justifier d’une flotte d’au moins 10 véhicules et d’un capital minimum de 132 000 € pour obtenir une licence.
Plus le propriétaire du jeepney est riche, plus il le montre dans l’accumulation des ornements, comme ici les ailes au-dessus du pare-brise par exemple. (Photo : Chloé Rémond)
Selon Piston, un syndicat de chauffeurs, cette réforme mettrait au chômage 900 000 chauffeurs et propriétaires de jeepneys. « Nous sommes convaincus que ce plan de modernisation cache un plan d’élimination des jeepneys », affirme George San Mateo, le président du syndicat.
Selon KMU, un autre syndicat, cette réforme « de privatisation au profit de l’oligarchie et au détriment des plus pauvres », aura aussi un impact sur les passagers, qui feront face à des hausses de tarifs continuelles et perdront leur moyen de transport le moins cher et le plus fiable.
Manille est l’une des villes les plus embouteillées au monde et la conduite anarchique des jeepneys empire la situation sur les artères principales de la capitale, comme ici, sur l’avenue Buendia. (Photo : Chloé Rémond)
Les habitants de Manille passent en moyenne plus de 45 minutes dans les transports pour rejoindre leur travail depuis leur maison. (Photo : Chloé Rémond)
Ouest-France.
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