vendredi 9 septembre 2016

Tolérance zéro pour les idées indépendantistes dans les écoles de Hongkong

LE MONDE | 08.09.2016 Par Florence de Changy (Hongkong, correspondance)


Un lycéen distribue des tracts en faveur de l’indépendance de Hongkong lors de la rentrée, le 1er septembre. TYRONE SIU / REUTERS

Cette année à Hongkong la rentrée scolaire s’est faite sous le signe d’un mot, ou plutôt d’un tabou, celui de l’indépendance. Quelques mois après que plusieurs jeunes partis radicaux ont osé s’affirmer en faveur d’une éventuelle indépendance de Hongkong de la Chine, au grand dam de Pékin et du gouvernement local, le Bureau de l’éducation a publié mi août une circulaire interdisant que l’indépendance soit discutée dans les écoles.

Mais la rébellion s’est organisée. Depuis jeudi 1er septembre, date officielle de la rentrée, devant les grilles de plusieurs collèges et lycées de la région, ce ne sont pas des publicités pour des cours du soir que les élèves en uniformes se sont vus proposer mais bien des tracts expliquant pourquoi l’indépendance par rapport à la Chine est la meilleure solution pour Hongkong. Mais aussi des autocollants affirmant « Hong Kong is not China » ou encore des passeports hongkongais factices.

Censure

Dans plusieurs cas, les « séparatistes » ont été éloignés ou dispersés. Trois jours plus tard, cinq candidats prônant la rupture avec Pékin ont fait leur entrée pour la première fois au Parlement, malgré l’interdiction faite par le gouvernement local aux indépendantistes les plus virulents de se présenter aux législatives.

Lors de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997, Hongkong devait jouir d’un « haut degré d’autonomie », jusqu’en 2047. Mais cette autonomie diminue et certains Hongkongais estiment que la Chine ne respecte pas le principe « Un pays, deux systèmes ». Le mouvement indépendantiste naissant a été qualifié d’illégal tant par les autorités chinoises que hongkongaises.


Un étudiant du mouvement Student Localism distribue des tracts, le 27 août, à Hongkong. ISAAC LAWRENCE / AFP

Mercredi, Francis Yip Kin-wai, 18 ans, ancien élève du lycée luthérien de Yuen Long, dans les Nouveaux Territoires proches de la Chine, le porte-voix sous le bras et le sac en bandoulière rempli de brochures avait lui aussi le projet de haranguer les lycéens à la sortie des classes de son ancien lycée, mais il a été interrompu par le service d’ordre de l’établissement. « Ils m’ont dit que je n’avais pas demandé de permis, ce qui est exact », a déclaré Francis Yip, membre du groupe Student Localism, qui regroupe des « anciens » d’une vingtaine d’établissements. Il a dû déplacer sa campagne de sensibilisation politique près d’un arrêt de bus, plus loin.

Atteinte à la liberté d’expression

La veille, le groupe Student Localism avait annoncé son intention d’intensifier son action si le ministère n’annulait pas ses consignes et demandé que « des indications claires soient données afin que le sujet puisse être abordé de manière appropriée ». Student Localism appelle les établissements à se ranger du côté des étudiants et à ne pas les empêcher de distribuer des tracts. Le directeur de l’établissement où ce dernier incident a eu lieu, Hairo Wan Ho-yin, a souhaité que les anciens élèves trouvent un moyen rationnel d’exprimer leurs idées à l’avenir et que Francis Yip ne soit pas sanctionné, puisque son action n’avait pas dérangé les élèves et que personne ne s’en était plaint.

En fait, la plupart des collèges et lycées ont répondu sans enthousiasme aux demandes d’autocensure du ministère de l’éducation. Certes l’article 1 de la Basic Law, texte qui fait office de mini-Constitution pour Hongkong, est des plus explicite : « La région administrative spéciale de Hongkong est partie inaliénable de la République populaire de Chine. » L’indépendance de Hongkong n’est donc clairement pas à l’ordre du jour. Mais l’article 27 de la même constitution garantit néanmoins la liberté d’expression. Pour le chef de l’exécutif, Leung Chun-Ying, pourtant, la question n’a « rien à voir avec la liberté d’expression » et n’a pas lieu d’être débattue.

Comment en est-on arrivé là se demande aujourd’hui la classe dirigeante, face à cette jeunesse irrévérencieuse qui promeut des idées subversives ? Faut-il voir dans cette politisation rebelle d’une partie de la jeunesse la preuve que le système éducatif de Hongkong encourage le sens critique et le débat ou au contraire, comme on l’entend aussi, que cette jeunesse manque d’une solide culture historique.

« Comment peut-on intelligemment parler de l’indépendance de Hongkong et de la Chine sans connaître leur passé ? Combien des militants pro-indépendance connaissent les guerres de l’Opium, le massacre de Nankin, la bouleversante Révolution culturelle ? S’ils connaissaient tout cela, ils seraient stupéfaits du chemin parcouru par la Chine », remarque Philip Yeung, commentateur spécialisé dans les questions d’éducation.

En 2012, Leung Chun-ying avait déjà tenté d’imposer des cours d’éducation « nationale », sur consigne de Pékin. La réforme avait finalement été abandonnée face à une opposition massive de la population hongkongaise qui dénonçait une tentative de lavage de cerveaux.

L’éducation et l’utilisation du cantonais restent au cœur des inquiétudes de la population. Aujourd’hui, près de 70 % des jardins d’enfants enseignent en mandarin, la langue officielle de Chine continentale, alors que le cantonais est la langue traditionnelle de Hongkong.

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