vendredi 9 septembre 2016
SMS : Cuba, pas si libre
© Yamil Lage, AFP | Un habitant de La Havane accède à Google sur son portable grâce à un relai Wifi public.
Texte par Sébastian SEIBT Suivre techf24 sur twitter
"Démocratie", "droits de l’Homme", "grève de la faim"... À Cuba, impossible d’envoyer des SMS contenant ces mots. Un système de censure des communications dont l’ampleur est inconnue a été mis en place, affirment des activistes locaux.
La censure, c’est simple comme un SMS à Cuba. Six ans après la Chine, les autorités cubaines ont mis en place un système de filtres permettant de bloquer l’envoi de messages contenant certains mots interdits, a affirmé 14yMedio, le premier media indépendant numérique cubain, le 3 septembre. Après avoir effectué des tests de son côté, l’agence de presse Reuters est parvenue à la même conclusion trois jours plus tard.
"Démocratie", "droits de l’Homme", "dictature" ou encore "grève de la faim" sont autant de mots non grata dans un SMS, sous peine de voir le message "se perdre en chemin", explique dans son article Yoani Sanchez, la blogueuse de 14yMedio et activiste cubaine à l’origine de cette découverte. Inutile d’essayer de jouer au plus malin : le filtre prend en compte différentes versions orthographiques d’un mot interdit. Ainsi, le mot Democrac1a est tout autant censuré que Democracia.
Liste noire d’au moins 42 termes
Des noms de mouvements critiques à l’égard du gouvernement, comme Unpacu (Union patriotique de Cuba), ou de dissidents célèbres, tels que le médecin et défenseur des droits de l’Homme Óscar Elías Biscet, font également partie de cette liste noire. Cette dernière comprendrait au moins 42 mots d'après les constatations de 14yMedio, mais sa portée réelle demeure inconnue. D’autres tests sont effectués pour essayer d’en savoir plus. L’opérateur téléphonique unique cubain Cubacel et le ministère de la Culture n’ont pas été d’un grand secours. Interrogées par 14yMedio, ces deux autorités ont affirmé n’avoir pas connaissance d’un tel système.
Impossible, également, de savoir quand cette censure a été instituée. "Il y a toujours eu des messages qui n’arrivaient pas à leur destinataire, mais nous mettions cela sur le compte de la congestion et de la mauvaise couverture du réseau dans certaines régions", rappelle Yoani Sanchez.
Les autorités semblent aussi avoir mis en place une censure à deux vitesses pour brouiller les pistes. Ainsi, les SMS envoyés vers l’étranger ne se perdent jamais dans les limbes technologiques, quels que soient les mots utilisés. Pour 14yMedio, la raison en est simple : les SMS envoyés vers l’étranger coûtent cher et ceux n’arrivant pas à destination risquent fort de faire l’objet d’une demande de remboursement… Leur faire subir le même filtrage aurait donc rendu la censure coûteuse ou éveillé les soupçons, en cas de refus de remboursement.
SMS aujourd’hui, Internet demain ?
Le blocage concerne les quelques trois millions d’utilisateurs de téléphones portables à Cuba et ne cible pas spécifiquement certains activistes, ont constaté aussi bien Reuters et 14yMedio qui ont effectué des tests sur tout le territoire cubain.
Cette découverte fait craindre du sort que les autorités cubaines réservent à Internet. Pour l’instant, elles s’y intéressent moins qu’aux SMS : Internet est encore largement hors de portée des bourses cubaines et seuls 5 % des foyers sont équipés d’une connexion approuvée par le gouvernement. Le Wifi public est plus répandu avec environ 70 points d’accès, mais la connexion, à trois dollars de l’heure, demeure chère pour Cuba où le salaire moyen est de 30 dollars par mois.
Mais l’accès de la population au réseau est officiellement une priorité du gouvernement. Reste à savoir si ce pays communiste va, comme avec les SMS, adopter le modèle de censure à la chinoise ou si le processus de normalisation des relations avec les États-Unis va rendre le gouvernement moins, comme le dit 14yMedio, "paranoïaque et sur ses gardes".
Première publication : 08/09/2016
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