vendredi 24 février 2017

Energie solaire en Inde : la révolution solaire en marche



Par Sébastien Farcis. Publié le 23-02-2017


La société indienne ACME a ouvert en 2016 cette ferme solaire d’une capacité de 50 MW d’électricité, à 140 km de Bangalore (sud). © RFI/Sébastien Farcis


L'Inde est le troisième émetteur de gaz à effets de serre au monde. Et ces émissions devraient fortement augmenter dans les années à venir, car le pays produit les deux tiers de son électricité grâce au charbon et que plus de 300 millions de personnes ne sont pas encore raccordées. New Delhi a toutefois promis un changement drastique : multiplier par 25, en sept ans, ses capacités de production d'énergie solaire et en faire la deuxième source du pays. Un pari fou qui pourrait être réalisable grâce à la chute du coût de cette énergie verte.

La route cabossée serpente dans la plaine désertique et de chaque côté, les vaches aux cornes majestueuses avancent péniblement dans la chaleur de ce début d'après-midi, à la recherche de quelques rares végétaux. La terre rouge et aride du sud de l'Andhra Pradesh, à 140 km au nord de Bangalore, dans l'Inde méridionale, ne connaît que « quelques jours de pluie par an», nous disent ses habitants. Insuffisant pour l'agriculture, mais idéal pour une autre récolte : celle de l'énergie du soleil. En bordure du hameau d'Hindupur jaillit une mer bleu foncé, qui s'étend à perte de vue dans cette étendue sauvage: 335 000 panneaux solaires ont été installés en avril 2016 par l'entreprise indienne ACME, l'un des deux plus importants producteurs d'énergie photovoltaïque du pays.

Beaucoup d'électricité, peu d'entretien

Cette ferme d'une capacité de 50 Megawatts (mW) diffuse son énergie verte sur les trente kilomètres aux alentours, pour éclairer 100 000 foyers ruraux. « Cela nous a pris à peine trois mois pour monter tous ces panneaux, lance Dinesh Reddy, le responsable de 28 ans de cette centrale, avec un sourire fier. Le plus long est d'importer l'équipement en amont, car ils doivent venir de Chine ». Seulement quinze employés veillent à temps plein au bon fonctionnement de cette centrale silencieuse, qui produit du courant de 6h du matin à 6h du soir. L'essentiel du travail consiste à repérer les baisses de tension grâce à un écran central, à changer les câbles défectueux si besoin et, trois fois par mois, à laver tous ces panneaux à fine couche pour retirer la poussière qui réduit leur rendement. Enfin, une cinquantaine de fermiers des environs sont régulièrement engagés pour couper les herbes qui poussent du sol ainsi arrosé, et qui créent de l'ombre sur les modules.

L'Inde double ses capacités d'énergie solaire tous les ans

Lors de la COP21, le sommet de Paris sur le climat de décembre 2015, l'Inde avait fait une promesse incroyable pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre: multiplier par 25, en sept ans, ses capacités de production d'énergie solaire, pour atteindre les 100 GW installées. Le pays est maintenant lancé dans une course effrénée pour atteindre ce but : en septembre dernier, la multinationale indienne Adani a ouvert, dans le Tamil Nadu (sud) la plus grande ferme solaire du monde, d'une capacité de 648 MW, en à peine huit mois de travaux. L'Inde a ainsi doublé ses capacités en un an - qui ont atteint 10 GW début 2017 – et devrait encore les multiplier par deux d'ici à la fin de l'année.

Le pays-continent se situe à présent à la 7e place mondiale en termes de capacités de génération de photovoltaïque, devant la France, et constitue l'un des marchés à plus forte croissance du monde. Il faut dire que ses besoins sont criants : plus de 300 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité, et environ les deux tiers de son courant proviennent du charbon, source polluante d'énergie et en majorité importée. L'Inde est déjà le troisième émetteur de gaz à effets de serre au monde et s'il veut tenir ses engagements de la COP 21 (40% de renouvelables dans son mix énergétique en 2030), il doit réaliser un changement drastique.

Les autorités ont ainsi accordé d'importantes réductions fiscales aux installateurs de panneaux solaires et lancé un système d'enchères inversées, par lequel les centrales sont attribuées aux compagnies qui s'engagent à produire l'énergie la moins chère. Le secteur, enfin, bénéficie de l'incroyable chute, de 25% en un an, du prix des panneaux, qui composent environ 60% du coût d'une ferme. Résultat : lors de la dernière enchère du 10 février, l'entreprise ACME a remporté un des contrats en garantissant de générer cette énergie solaire pour un tarif record de 2,97 roupies / KWh (4 centimes d'euro), soit une chute de 24% en un an. Ce qui fait de ce photovoltaïque la source la meilleure marché en Inde.

Une modernisation urgente du réseau

« Dans les pays occidentaux, la croissance des énergies renouvelables a été alimentée par les subventions publiques, et quand celles-ci se sont arrêtées, cette expansion s'est interrompue, explique Vinay Rustagi, directeur de la société de conseil en énergies renouvelables, Bridge to India. En Inde, le solaire est financièrement attrayant, ce qui lui offrira une croissance plus durable ». Les prix pourraient d'ailleurs encore baisser, car la compagnie Adani est sur le point d'ouvrir la première usine de production de panneaux solaires en Inde, capable de sortir des équipements de 1,2 GW par an.

Il n'y a du reste pas que les terres désertiques qui accueillent des panneaux solaires : les résidences urbaines commencent à en poser sur leurs toits, pour partiellement remplacer les coûteux générateurs au Diesel utilisés lors des régulières coupures d'électricité. Le photovoltaïque revient alors à trois fois moins cher que cette énergie polluante et quasiment au même prix que le courant fourni par le réseau conventionnel. Ce système est encore plus intéressant pour les industries, qui paient l'électricité à un tarif plus élevé, et pour qui le solaire est meilleur marché que l'énergie du réseau.

Cette croissance verte requiert cependant un renforcement urgent du réseau, car l'énergie renouvelable est par nature instable – une soudaine couverture nuageuse peut considérablement faire tomber la production – et il faut donc moderniser les anciennes lignes de transmissions pour qu'elles puissent s'adapter à ces chutes soudaines. Faute de quoi, la troisième économie asiatique pourrait revivre la colossale panne d'électricité de juillet 2012, la plus grande de l'histoire, qui avait plongé plus de 300 millions d'Indiens dans le noir, pendant deux jours, suite à une surcharge du réseau.



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